sentiment de haine qui vous a valu dans le temps des satires écrites, frappées même sur des médailles, de la part des princes protestants du nord et de l’empereur lui-même, comme nous l’avons su alors en France ; que ce même sentiment, dis-je, qui vous a forcé de briser jusqu’aux liens de famille les plus chers, est encore plus âcre, plus perfide, plus à craindre en Espagne qu’ailleurs. Le clergé de ce royaume vous hait, et, croyez-moi, défiez-vous de ce qu’il pourrait faire entreprendre contre votre personne. Ne vous entourez que de serviteurs fidèles, faites surveiller votre palais, et que surtout on ait l’œil sur vos aliments ! »
Innocent, tout ému d’effroi, se tourna vers sa belle-sœur, dont il serra la main.
« Voilà, saint-père, ajouta le cardinal, ce qui peut justifier une entreprise dans le royaume de Naples, où, comme vous le savez d’ailleurs, on n’a pas à se louer du gouvernement espagnol.
— Mais, demanda Azzolini, comment les Français, qui ont toujours eu des prétentions à cette couronne, prendraient-ils l’occupation de ce pays par le saint-siége ? — Les Français, mon cher Azzolini, répondit Antoine, n’ont jamais eu de bonheur sur cette plage ; et ce qui est arrivé à la suite de la révolution prouve bien qu’ils sont dégoûtés d’entreprendre rien de sérieux pour s’emparer de nouveau de ce pays. S’il en eût été autrement, est-ce que c’est un duc de Guise, soldat brave sans doute, mais homme sans consistance et incapable de conduire sagement une expédition, que l’on aurait laissé aller là ? D’ailleurs, après les premiers succès que cet homme avait obtenus au milieu de la populace napolitaine, et lorsqu’il avait déjà été proclamé son chef par elle, rien n’eût été plus facile à la France que d’envoyer une flotte et des troupes pour le soutenir. Si on ne l’a pas fait, c’est qu’en réalité on n’a pas voulu et l’on ne voudra jamais le faire.
» En somme, la France, nation belliqueuse, n’a rien à craindre du saint-siége, dont la force est dans la bénédiction et la paix ; et elle verrait les Espagnols chassés du royaume de Naples avec autant de plaisir qu’elle en a ressenti quand,