et le ciel l’aidera, comme dit notre proverbe français, interrompit le cardinal de Retz. — Et d’ailleurs, messieurs vos oncles, ajouta Azzolini, ne sont peut-être pas si loin de partager nos idées que vous le supposez. — Vous croyez ? demanda avec étonnement le cardinal Charles. — Entendons-nous, dit Azzolini en prenant le bras du jeune Barberin, et faisant signe à de Retz qu’il était bon qu’il les laissât seuls un moment : Entendons-nous, monsieur Charles. Croyez-vous ainsi que moi que Chigi soit l’homme du sacré collège qui conviendrait le mieux pour réparer les désordres du dernier règne ? — Oui. — Êtes-vous décidé ainsi que moi à employer tous les moyens pour faciliter son élection ? — Mais..... — Allons, décidez-vous. — Eh bien ! oui. — Rappelez-vous donc quel est l’état des choses, et voyez ce qu’il convient de faire. Malgré tout le désir que vous et moi avons de ne nous occuper que des intérêts spirituels, Dieu a voulu que les affaires de ce monde fussent si souvent mêlées à celles de l’Église, qu’il entre dans les devoirs de ceux qui comme nous participent à leur gouvernement, de ne négliger ni les uns ni les autres. Vous pourriez bien vous promener dix ans dans le conclave en formant les vœux les plus ardents et les plus pieux pour M. Chigi, que vous avanceriez moins ses affaires et les nôtres qu’en disant vingt paroles à qui il est bon de les adresser. Ce serait, permettez-moi de le dire, manquer de prudence et surtout de courage que de s’obstiner au silence en pareille occasion, et les effets de la conscience deviendraient très-fâcheux s’ils se réduisaient à de la pusillanimité. Qu’y aurait-il de si difficile pour vous, qui êtes jeune, plein de piété, exempt de toute ambition, à qui on ne peut pas reprocher sa grande fortune, puisque vous n’avez rien fait pour l’acquérir ; qui pourrait, dis-je, vous savoir mauvais gré d’employer l’autorité que vous donne votre position pour garantir toute votre famille des dangers dont elle peut craindre d’être menacée par le pontife qu’on va élire ? Croyez-vous que la profonde estime que nous vous portons tous serait diminuée quand nous saurions qu’en bon parent vous avez fait tous vos efforts pour assurer la tranquillité future des vôtres, pour leur conserver les
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