Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/497

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à ne pas effrayer votre enfant en lui faisant connaître toute l’énormité de son erreur, et à ne pas vous en instruire. J’ai toujours eu et je conserve encore la ferme espérance que son cœur et son esprit recevront la lumière d’en haut. Mais pour déterminer l’accomplissement de cette révolution salutaire, il faut joindre à l’autorité du sacerdoce celle du talent. Je le sens, madame, cette dernière me manque ; et je vous supplie, au nom de votre chère fille, de mettre tous vos soins à la recherche d’un ecclésiastique dont l’esprit, plus fertile en ressources que le mien, dont la parole, plus puissante que la mienne, lui donnent les moyens d’achever ce que je crois avoir commencé. En vain m’efforçai-je de lui témoigner toute la confiance qu’il m’inspirait, et de blâmer même l’excès de sa modestie, il persista dans son avis, et ne me laissa plus même la faculté de le combattre de nouveau. Il ne s’agit pas de moi, madame, ajouta-t-il, mais de votre enfant qu’il faut sauver ; c’est quelque chose de plus fort qu’un conseil que je prends la liberté de vous dicter. Fort de sa conscience et de son caractère de prêtre, cet homme, si simple ordinairement, m’imposa sa volonté, et je la suivis.

» C’est en janvier qu’eut lieu ce que je viens de vous rapporter, et ce fut un mois après environ que l’évêque d’E..., ancien ami de notre famille, nous a adressé le directeur de ma fille, M. l’abbé de Lonzac, que vous voyez habituellement dans cette maison. Après s’être entendu avec notre curé, auquel il devait succéder comme instructeur de ma fille, il a cherché avec beaucoup de prudence, et par le moyen de conversations fréquentes, à rompre l’espèce d’écorce qui semble tenir l’âme de mon enfant captive...

— Eh bien ? demanda M. de Lébis avec une curiosité qui se changea en inquiétude, lorsqu’il vit les larmes couler le long des joues de la comtesse.

— Hélas ! il n’a rien obtenu... continua avec peine madame de Soulanges, dont l’émotion altérait la voix, et avant les fêtes de Pâques j’espérais encore que ses efforts, réunis à ceux de notre excellent curé, car il n’a pu renoncer entièrement à donner des soins à ma fille ; j’espérais, dis-je, que