depuis trop longtemps, lorsque l’arrivée brusque d’Ernest les fit tout à coup cesser. Après avoir fait un salut aux deux personnes qu’il tirait d’embarras sans s’en douter, il s’avança rapidement jusque vers le fauteuil de son grand-oncle, auquel il n’avait pas encore donné le bonjour.
— Ah ! ah ! te voilà, dit le vieillard en l’embrassant ; eh bien ! que nous diras-tu de nouveau ce matin ?
— Mais... de nouveau ? peu de chose, mon cher oncle, répondit Ernest en élevant la voix comme pour attirer l’attention des deux autres personnages ; si ce n’est, mais vous le savez sans doute, que je pars demain pour Paris.
— Vous partez pour Paris ? dirent presque en même temps et comme malgré eux mademoiselle de Liron et M. de Thiézac.
— Oui, je pars pour Paris, répéta Ernest avec un calme affecté qui ne trahissait que mieux sa colère, je pars pour Paris.
— Eh bien ! quand je vous l’avais dit, monsieur de Thiézac, observa en riant le vieil oncle, que mon neveu n’est pas assez extravagant pour sacrifier les avantages que vous lui avez si généreusement préparés, avais-je tort ? Va ! continua-t-il en s’adressant à Ernest, je t’ai toujours jugé un sage et honnête garçon, je vois que je ne me suis pas trompé !
Tout en poursuivant sur ce ton, il donna à son neveu des conseils sur son séjour à Paris, et finit par lui remettre une bourse d’or pour faire face aux dépenses qu’allaient occasionner son départ et son voyage.
M. de Thiézac ne comprit rien à tout ce qu’il voyait. Pour mademoiselle de Liron, elle employait tous ses efforts à retenir de grosses larmes qui roulaient dans ses yeux. Elle était surtout tourmentée de l’air presque dur que donnait à Ernest la résolution brusque et violente qu’il prenait. Oh ! qu’elle eût désiré en ce moment pouvoir lui dire quelques paroles douces en particulier pour calmer sa fureur ! Mais il n’en était déjà plus temps.
Ernest, après avoir remercié son oncle des bontés qu’il avait pour lui, signifia d’une manière précise que dans une heure il quittait Chamaillères pour Clermont, d’où il partirait le lendemain avec le courrier de Paris.