près de lui, qu’il reconnut cette place pour être celle où la famille de Soulanges avait coutume de venir s’asseoir à la fin de ses promenades. À cette vue, l’idée de Louise se retraça vivement à son esprit. Ses goûts prolongés de petite fille, la gaieté enfantine de cette jeune personne, puis, d’un autre côté, les embarras de cette jeune âme n’ayant pu encore se débarrasser des liens de sa puberté tardive ; toutes ces réflexions, en s’accumulant, en se croisant dans l’esprit d’Edmond, lui firent sentir un besoin impérieux de prier pour celle qu’il aimait. Oh ! qu’elle fut ardente cette prière ! Comme la pensée d’Edmond s’élancait rapide vers les cieux ! comme, dans ses efforts pieux, il lui semblait qu’avec son âme il entraînât, il enlevât celle de Louise, pour se mettre face à face avec Dieu !
Cette double effusion de prière et d’amour mit le cœur d’Edmond plus à l’aise. En promenant ses regards autour de lui, en respirant le parfum des fleurs printanières, le jeune de Lébis éprouva un sentiment de bien-être qui donna un charme nouveau, une extension infinie à toutes ses espérances.
Dans ces occasions où notre avenir se présente sous un jour brillant et doux, il arrive souvent que le souvenir de quelque impression matérielle fixe et donne une espèce de réalité à l’idée fugitive d’un bonheur que l’on n’a qu’entrevu. Depuis qu’Edmond s’était laissé aller au charme de ses espérances, son odorat était machinalement préoccupé de la distinction d’une odeur dont il avait été frappé parmi toutes celles qui se confondaient. Chacun a éprouvé la curiosité impatiente avec laquelle on cherche un vers qui nous échappe, un air que l’on a oublié, ou le nom d’une odeur qui nous poursuit. Edmond éprouvait ce genre d’inquiétude, lorsque, voulant à toute force savoir quel était le parfum qui se liait si intimement dans sa mémoire avec l’idée de Louise, il sauta par-dessus le tronc renversé, franchit une petite haie qui lui barrait le passage, et se trouva au milieu d’une pièce de terre, couverte de fraises cultivées : c’était l’odeur de ce fruit qu’il avait vainement cherché à démêler jusque-là. Cette innocente satisfaction lui remplit l’âme de joie, et quand il l’eut savourée avec délices, il se rapprocha des murs de