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son parc, non sans retourner souvent son regard sur la colline opposée, pour voir le plus longtemps qu’il pût, le château de Soulanges, dont quelques fenêtres éclairées faisaient reconnaître la situation au milieu de l’obscurité.

Deux mois s’écoulèrent sans qu’il se passât rien de nouveau. Le jeune de Lébis mettait la plus grande discrétion dans toutes ses démarches. Le curé et le nouveau directeur de Louise, M. de Lonzac, redoublaient chaque jour de zèle et de soins pour déterminer quelque heureuse révolution dans l’âme de leur jeune élève, mais sans succès. Les inquiétudes de madame de Soulanges commençaient à reprendre leur vivacité première, avec d’autant plus de raison apparente, que le nouveau directeur semblait pourvu de toutes les qualités et des talents propres à vaincre l’erreur de la jeune demoiselle.

M. l’abbé de Lonzac, âgé de soixante ans environ, avait une figure vénérable, dont la gravité était tempérée par la douceur ; il souriait même avec grâce. Cet ecclésiastique, versé dans les lettres, bon professeur d’éloquence et prédicateur assez habile, en attendant une dignité ecclésiastique qui lui était promise, remplissait chez M. de Soulanges des devoirs d’autant plus de son goût, qu’ils lui fournissaient l’occasion d’exercer son art de prédilection, celui de la parole. En effet, il se passait peu de jours sans qu’aux instructions régulières qu’il donnait à la jeune Louise, il ne trouvât moyen d’ajouter, sous forme de conversation, quelques fragments de ses sermons. Hélas ! c’était là son plus grand faible ! Un soir de l’été, vers la fin de la promenade journalière, M. et madame de Soulanges, leur fille, le curé et M. de Lonzac, ayant fait leur halte accoutumée, s’assirent sur ce même tronc d’arbre, près duquel s’était arrêté aussi M. de Lébis. Le soleil, quoique déjà assez bas, mais éclairant avec vivacité le sommet des arbres, jetait encore un vif éclat sur la campagne. Cependant la lune paraissait sur un ciel d’azur à travers la cime des peupliers légèrement agités par l’air du soir. Quoique l’apparition simultanée du soleil et de la lune soit un phénomène fort commun, cependant il cause toujours un certain étonnement à l’esprit, vraisemblablement parce que ces deux