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Son père prit la parole ; tout en badinant il fit reproche à Louise d’avoir des idées qui ne s’accordaient guère avec ce que l’on avait pris le soin de lui enseigner sur le mouvement et la position relative des astres. M. de Soulanges se crut même obligé, en cette occasion, pour rectifier les idées de sa fille, de lui rappeler que la lune est un corps sphérique, éclairé par la lumière du soleil, et autres vérités semblables. Sans affirmer que cette démonstration fût peu goûtée, ce qu’il y a de certain, c’est que personne n’y prit une part active, et que le silence des auditeurs y fit rentrer peu à peu le bon M. de Soulanges. Chacun se mit donc à considérer la lune avec plus d’attention et de plaisir qu’auparavant. Et en effet, son éclat et sa couleur devenaient toujours plus resplendissants, à mesure que le soleil se rapprochait de l’horizon. Toute la société retomba dans une sorte d’extase silencieuse jusqu’au moment où l’abbé de Lonzac crut devoir en profiter pour dire son mot sur le spectacle naturel qui préoccupait chacun.

— Les observations que M. de Soulanges vient de faire à mademoiselle sa fille, dit l’abbé de Lonzac, en mettant l’onction de sa parole en harmonie avec le calme du lieu où l’on se trouvait, me remet en mémoire une image aussi juste que gracieuse, qu’un religieux emprunta à ce phénomène, pour rendre sensible une vérité importante qu’il avait à cœur de démontrer à ceux qui l’écoutaient. Il cherchait tous les moyens propres à les engager à mettre leur confiance dans la Vierge Marie ; et pour donner plus de force à son exhortation, pour faire sentir qu’en implorant l’intercession de cette mère pleine de bonté, on s’adresse à Dieu, il répétait à son auditoire :

« Cette bonté, cette splendeur que vous adorez dans Marie, n’est que la splendeur et la bonté qu’elle reçoit de Dieu lui-même. N’en doutez pas, en aimant l’une vous aimez, vous adorez l’autre ; de même que quand la lune verse sur vous sa clarté, vous savez qu’elle ne fait que réfléchir et reporter sur vous les rayons de lumière qu’elle reçoit du soleil. »

Cette petite fleur de rhétorique charma le bon curé ainsi que M. de Soulanges, qui répéta plusieurs fois qu’il était im-