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vous, c’est trop jeune encore pour cueillir la fraise ; ça joue, ça mange le fruit quand on a le dos tourné, et ça n’aide pas à grand’chose. Ah dam ! c’est une grande différence à présent à la maison, depuis que notre mère est morte ! Mon père et elle allaient chacun à son tour vendre à la ville ; il y en avait toujours l’un des deux qui dormait trois heures dans son lit, sur les vingt-quatre. Mais à présent ce n’est plus cela : comme je ne suis pas encore d’âge à aller au marché, mon père est toujours en chemin, et c’est bien heureux quand il peut parvenir à faire un somme en allant ou en revenant sur la route.

— C’est donc vous, Toinette, qui réglez aussi l’intérieur de votre maison, qui apprêtez les repas, qui soignez votre père, votre frère et votre sœur ?

Toinette laissa échapper un léger sourire en entendant cette question et répondit : — Qui voulez-vous donc qui fasse tout cela, mademoiselle, si ce n’est moi ? Puisque Dieu a rappelé ma mère à lui, il n’y a pas à dire, il faut que je la remplace... au moins autant que mes forces me le permettent : car ma mère en faisait plus en deux heures que moi dans toute la journée. Elle était vive, et il ne fallait pas la contrarier, pour cela c’est vrai ; mais, comme elle travaillait ! Tant qu’elle a vécu, mon père n’a jamais passé une nuit sans dormir au moins deux heures dans des draps ; mon frère et ma sœur ne savaient encore que jouer, et moi je passais toujours la nuit dans le lit. Mais à présent, c’est tout autre chose ! et sans compter le chagrin, nous avons bien du mal.

— Mais qui est-ce qui vous soutient, Toinette, dans toutes vos peines ?

— Vous le voyez bien, mademoiselle, nous travaillons tous.

— Ce n’est pas là ce que je voulais dire, Toinette ; qu’est-ce qui soutient votre courage, qui vous rend si attentive à vos devoirs ?...

— Ah ! dam ! je ne saurais vous dire. C’est quand je pense à ma mère, quand je vois qu’il faut faire tout ce qu’elle faisait ; quand mon père est fatigué de travail, et que mon frère et ma sœur courent après moi comme ils couraient toujours après ma mère. Et puis c’est ce que ma mère m’a