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venue plus calme et plus pénétrante à la fois, semblait avoir modifie le port et les habitudes de toute sa personne. Enfin son regard, qui, jusqu’à la journée précédente, avait été mobile, capricieux et varié comme les fantaisies de son imagination encore enfantine, n’était plus maintenant que l’interprète soumis d’une âme dont la volonté ne donnait plus rien au hasard.

Cette espèce de métamorphose était si sensible, que la mère et la fille s’en aperçurent en même temps aux relations nouvelles qui s’établirent tout à coup et forcément entre elles deux.

Il y a chez les enfants, depuis le berceau jusqu’à l’adolescence, plusieurs crises qui font naître des émotions aussi indéfinissables qu’elles dans le cœur des mères ; lorsque les enfants commencent à parler, quand ils lisent, au temps où leur corps se dépouille de l’enfance, et enfin quand leur cœur et leur âme commencent à aimer et à vouloir fortement.

Quelque flatteurs que soient pour le cœur maternel ces divers progrès, les deux derniers cependant mêlent assez ordinairement aux joies qu’ils font naître, une grande surprise pour le présent et des inquiétudes sur l’avenir. Ce n’est jamais sans crainte pour son enfant, et surtout pour une fille, qu’une mère voit l’instant rapide qui sépare tout à coup, dans le même être, la petite fille de la femme. Il y a plus, et ce n’est qu’un éclair qui traverse le cœur maternel ; mais à ce moment une mère est tout à la fois surprise, flattée, et quelque peu contrariée de voir son enfant devenir si brusquement son égale.

Ce ne fut donc pas sans émotion que la comtesse de Soulanges s’aperçut que sa fille était non-seulement si éclatante de beauté, mais armée d’un regard qui laissait percer la puissance d’une volonté qui ne se soumettrait peut-être plus aveuglément à la sienne.

Ce trouble, il faut le répéter, n’eut que la durée d’un éclair ; mais il fut assez vif et assez profond pour que madame de Soulanges, malgré son expérience et sa présence d’esprit, ne fût pas entièrement maîtresse de dissimuler le léger embarras qu’elle en ressentit.

Louise, de son côté, ne tarda pas à s’apercevoir aussi de