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Le choc de la croix avait été si lourd et si rude, que le sang répandu sur la figure de mademoiselle de Soulanges ne permit pas au médecin de la reconnaître du premier coup d’œil. Il fit sortir immédiatement toutes les personnes qui ne devaient pas demeurer là, et après avoir fait donner de l’air, il saigna la blessée. Puis, profitant de la stupeur générale et de l’autorité que lui donnait son ministère, il dit à M. et à madame de Soulanges de se rendre chez eux, les assurant que leur fille allait y être transportée par ses soins et à l’instant même.

Le père obéit, soit que la douleur eût suspendu chez lui l’exercice de sa volonté, ou qu’un instinct secret l’avertît qu’il était à propos que quelqu’un précédât le sinistre cortège au château. Pour la mère, qui était agenouillée près de sa fille, d’un signe de tête elle fit entendre qu’elle ne quitterait pas son enfant.

Alors le docteur visita et pansa la blessure. Il la jugea des plus dangereuses, et fit entendre qu’il n’y avait pas de temps à perdre pour s’occuper du transport de mademoiselle de Soulanges. À cet avertissement, sa mère porta ses yeux de côté et d’autre, comme pour implorer le secours de ceux qui l’entouraient, et au même instant M. de Lébis sortit pour faire préparer tout ce qui était nécessaire en cette occasion.

Étendue sans connaissance sur le tapis, à la place même où elle avait été frappée, mademoiselle de Soulanges ne donnait aucun signe de vie. Sa mère ne la quittait pas des yeux. M. Delahire, le médecin, était penché vers elle pour interroger son pouls et son haleine, tandis que le curé, tout tremblant, cherchait à lire dans les yeux de celui-ci quels pourraient être les résultats de cet affreux événement. Il y eut un moment où les regards de ces deux hommes se rencontrèrent, et d’un coup d’œil le docteur fit entendre au curé qu’il fallait s’attendre au plus grand malheur. Il n’y eut pas un mot de dit ; l’un resta près de la blessée et l’autre se rapprocha doucement de la croix pour prier. Le silence qui régnait alors dans cette sacristie était affreux.

Il dura jusqu’à l’instant où M. de Lébis rentra accompagné de deux hommes portant un brancard. Le jeune Edmond