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de Soulanges rendait peut-être le dernier soupir à vingt pas de là, sans qu’il y fût, triompha de son courage. Des larmes s’échappèrent de ses yeux, et il résolut de remonter. Mais le bruit que firent ses pas dans cet escalier silencieux et solitaire le rappela à lui-même. Quand il se vit près de se présenter sans permission et de s’introduire presque furtivement jusque dans la chambre de mademoiselle de Soulanges, confus de sa témérité, il s’arrêta tout à coup, redescendit jusque dans la cour, où marchant sans but, il fut recueilli par M. de Lonzac, qui devina à peu près l’embarras de sa position, et le recueillit dans son malheur.

Quant à M. de Soulanges, son besoin d’activité semblait accroître par l’agitation même. Déjà il était rentré plus de dix fois dans la chambre pour interroger M. Delahire sur sa fille toujours privée de connaissance, et ne donnant d’autre signe de vie qu’une respiration lourde et pénible.

— Monsieur Delahire, dit-il enfin à voix basse, mais avec précipitation, je n’y tiens plus ; je vais jusqu’à la ville chercher des médecins ; vous y consentez, n’est-il pas vrai ?

— Sans doute, oui certainement, répondit le docteur, qui n’était nullement fâché de ne pas rester seul responsable de la malade, et qui d’ailleurs saisit cette occasion d’employer utilement la douleur pétulante de M de Soulanges :

— Allez ! nous attendons votre retour avec impatience.

Et le père partit.

Il y avait plusieurs lieues à faire pour aller et revenir. Les chemins étaient mauvais, la nuit obscure, ce qui, joint aux préparatifs de départ et à la recherche des médecins dans la ville, rendit cette course assez longue.

Pendant sa durée, sept mortelles heures de nuit s’écoulèrent sans que mademoiselle de Soulanges éprouvât le moindre changement, ni que ceux qui l’assistaient de près ou de loin fussent distraits un seul instant de la pénible inaction à laquelle ils furent condamnés. À l’exception de quelques soins que M. Delahire donnait périodiquement à la malade, la mère, le curé et une femme de chambre demeurèrent immobiles sans proférer une parole, jusqu’au roulement