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torture de l’âme que le jeune de Lébis voulut prendre part, et à laquelle madame de Soulanges consentit à le laisser participer. Elle sentait trop vivement la perte affreuse dont elle était menacée elle-même, pour refuser à ce jeune homme la triste faveur de venir entendre encore celle qui lui avait été promise ; il lui semblait qu’Edmond, ayant espéré d’être heureux avec sa fille, avait le droit de venir s’abreuver de douleur près de son lit de mort.

Placé en face de madame de Soulanges, mais masqué par un rideau, Edmond devenait tout oreille chaque fois que la malade poussait un soupir ou proférait quelques paroles. Le curé ne cessait pas de faire des prières ; M. Delahire attendait toujours quelque crise, et M. de Soulanges, se promenant dans le corridor attenant, présentait l’oreille et jetait un coup d’œil dans la chambre à chaque allée ou venue qui le ramenait près de la porte.

Les choses allèrent ainsi pendant plus d’une demi-journée. Vers les trois heures après midi, mademoiselle de Soulanges se trouva en apparence beaucoup mieux. Sa tête étant redevenue tout à fait libre, elle se mit à parler avec plus d’aisance que cela ne lui était arrivé depuis son accident. Sa mère fit effort sur elle-même pour lui répondre, car elle ne tarda pas à s’apercevoir que le cerveau de son enfant s’échauffait peu à peu. La pauvre Louise flattait, caressait, remerciait sa mère, en lui annonçant sa guérison complète et prochaine. À l’entendre, son mal était presque dissipé ; loin de ressentir aucune douleur, elle prétendait éprouver au contraire un bien-être et une disposition intérieure de l’âme, qui la rendait plus heureuse qu’elle ne l’avait jamais été. De douces larmes coulaient de ses yeux, et un sourire angélique dirigé vers le ciel répandait une éclatante beauté sur sa figure. En effet, à en juger par son expression et par ses discours, il semblait que la joie de son âme eût quelque chose de si délicat et de si subtil, qu’elle n’osât faire un seul mouvement ou causer le moindre ébranlement à sa pensée, dans la crainte de troubler le merveilleux bonheur dont elle jouissait.

L’attitude et les paroles de Louise jetèrent tout à la fois de