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l’admiration et de la terreur dans l’âme de madame de Soulanges.

— Sont-elles le résultat d’une inspiration divine ou du délire ? se demandait-elle intérieurement ; puis, dans son affreuse perplexité, le souvenir terrible du souhait que sa fille avait fait à l’église se représenta tout à coup à son esprit. Un froid mortel la saisit ; cependant elle conserva assez de force pour épargner à sa fille le spectacle de son désespoir, et, s’étant levée, tout en chancelant elle s’élança loin du lit pour aller tomber dans un autre siège, où elle perdit connaissance.

Cet accident et ses suites, car M. Delahire eut quelque peine à faire revenir la comtesse, ne furent pas remarqués par Louise. Elle en fut même entièrement distraite, car, tenant ses yeux ouverts et dirigés vers le ciel, puis souriant en les fermant ensuite, elle cherchait à exprimer tour à tour la joie et le respect qui lui étaient inspirés par ce qui fixait ses regards et son attention. Néanmoins, malgré l’air habituel de béatitude qui donnait une majesté et une douceur inexprimables à ses traits, on y apercevait quelques mouvements précurseurs de perturbations fâcheuses.

Ces tristes symptômes n’échappèrent surtout pas à M. Delahire, qui les remarqua au moment où il ramenait madame de Soulanges, que ses conseils n’avaient pu empêcher de se rapprocher du lit de Louise. La position de cet homme était cruelle ; il voulait absolument épargner au père et à la mère le spectacle horrible des approches de la mort de leur enfant, et pour s’en préparer l’occasion et les moyens, d’un signe qu’il fit à la dérobée, il avertit le curé de l’événement qui menaçait et du besoin qu’il avait de son assistance.

Cette convention muette venait à peine de se faire, que mademoiselle de Soulanges se fit entendre de nouveau. Son accent était tout aussi animé, mais sa voix était déjà affaiblie, sa prononciation beaucoup moins libre.

— Je le sens... je le sens, disait-elle en s’interrompant souvent, c’est Dieu, je le sens !... Il parait dans sa très-sainte humanité... L’excès de sa majesté et de sa gloire... est tel aujourd’hui, que je reconnais que je ne l’avais pas encore vu