et charitable, sans doute ; mais combien ces longs échos de la douleur publique rendaient plus accablante encore celle du père et de la mère de Louise, celle du malheureux Edmond !
Le curé ne remplissait qu’avec peine son ministère ; ses genoux et ses mains tremblaient ; à peine pouvait-il se faire entendre en parlant. Hélas ! ce digne ecclésiastique ne connaissait que trop bien l’état pur et saint de l’âme de mademoiselle de Soulanges ; il lui donna l’extrême-onction.
Quand cet acte fut terminé, le désordre et la stupeur furent tels, que M. Delahire, toujours attentif à madame de Soulanges, en profita pour la faire repasser dans sa chambre sans qu’elle sût où elle allait ni où elle était. Presque hors d’elle-même, et croyant peut-être sa fille déjà morte, il ne lui vint même pas à l’idée de demander à la voir. Le mal, d’ailleurs, fit de tels ravages sur le corps de l’infortunée Louise, qu’elle ne tarda pas à y succomber.
Le père fut le premier que l’on instruisit de cette nouvelle. On prit le parti de le conduire dans une aile écartée du château, afin qu’il pût exhaler librement sa douleur loin de la chambre de madame de Soulanges.
Quant à cette malheureuse mère, calme jusque dans l’excès de son désespoir, elle écouta avec une résignation héroïque les deux ou trois paroles que lui bégaya le curé, entre les bras de qui venait d’expirer son enfant, et resta immobile et muette après avoir laissé échapper doucement ces mots :
— Dieu était jaloux de son ange ; il l’a repris.
M. de Soulanges se laissait aller à sa douleur. Il était donc impossible, et il n’eût pas été convenable, que le père prît la moindre part aux soins qu’exigeaient les suites de la mort et les funérailles de sa fille. M. de Lébis sentit que c’était à lui qu’était réservée cette tâche pour l’accomplissement de laquelle, d’ailleurs, tout le monde de la maison semblait le désigner. Malgré l’horrible coup dont son cœur venait d’être frappé, ce jeune homme, pénétré de tendresse et de compassion pour ceux qu’il regardait comme son père et sa mère, résolut d’agir dans la maison comme s’il eût été le frère de celle à qui il avait espéré de donner un nom plus doux encore.