Pour premier soin, il fit préparer une voiture de poste destinée à conduire M. et madame de Soulanges à une terre qu’ils possédaient à dix lieues de leur château. Dès qu’ils furent partis, il se livra à tous les détails lugubres dont il s’était chargé, avec un dévouement mêlé d’une tendresse si pieuse, qui fit fondre en larmes tous les gens de la maison. Rien de ce qui blesse si cruellement le cœur dans les soins matériels que réclament de pareilles circonstances, ne put le rebuter ; et, au milieu du désordre qui accompagne toujours ces apprêts funèbres, il n’omit, ne négligea rien de ce que commandait la décence, de ce que lui prescrivit la délicatesse. Entre autres attentions, il pensa qu’un souvenir palpable de mademoiselle de Soulanges deviendrait précieux pour sa mère, lorsque la douleur lui permettrait d’en supporter la vue. Aussi pria-t-il M. Delahire d’enlever une boucle de cheveux à la défunte, en lui recommandant de les enfermer dans un papier qu’il cachèterait, afin qu’ils fussent remis intacts à madame de Soulanges. Tout, jusqu’aux détails les plus repoussants du linceul, du convoi et de l’enterrement, devinrent pour lui l’objet d’une surveillance minutieuse, d’un intérêt tendre et passionné.
La nature ne perd jamais ses droits : jusqu’à la mort de Louise, l’âme d’Edmond avait été contenue par le respect que lui imposaient la jeunesse, la piété de celle qu’il n’osait encore aimer ; mais sitôt que le terrible événement eut anéanti tous les obstacles que les convenances sociales mettaient entre elle et lui ; lorsque Louise, remontée au ciel, se trouva dans un monde où le jeune de Lébis put la poursuivre et l’atteindre par la pensée, là où il semble que tous les sentiments doivent s’épurer, il lâcha la bride à son cœur, et épuisa près des restes inanimés de Louise, tout ce qui s’y était amassé d’amour pour elle, pendant les derniers temps de sa vie. À l’espèce de fièvre que lui donnait son inconcevable activité, se joignaient l’exaltation de ses sentiments religieux et l’épanouissement tout nouveau pour lui de son amour. Tout ce qui tendait à augmenter chez lui cette double disposition de son âme lui présentait un attrait irrésistible. Si les lois de la décence ne s’y fussent pas opposées, il aurait enseveli lui-