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qu’il développe, par les hauts et difficiles emplois qu’il remplit, le jeune de Lébis entrevit alors l’occasion de se rattacher encore aux intérêts sérieux de ce monde, tout en restant fidèle au vœu qu’il avait fait. Ce n’est point un roman vulgaire que cette histoire, où l’on prétende exagérer le mérite de ceux qui y figurent. M. de Lébis avait une piété vive et sincère, ce qui n’exclut pas le désir raisonnable de donner un but d’utilité réelle à sa vie.

Ce qui démontre que son projet était grave, c’est qu’Edmond n’en fit part à personne, pas même à madame de Soulanges. Il voulut soumettre son âme à quelque temps d’épreuves intérieures, par lesquelles il pourrait s’assurer que sa résolution n’était pas le résultat du prestige de Rome religieuse, ni une fantaisie passagère indigne de celle au nom de laquelle il comptait se vouer à Dieu.

Les voyageurs revinrent en France. M. de Soulanges avait repris sa bonne santé et sa bonne humeur. Pendant la route, son infatigable activité fut employée à surveiller quelques petits objets d’art placés dans la voiture et distraits par précaution des caisses de tableaux et d’antiques parties d’avance, le tout destiné à orner son château.

Il était facile de s’apercevoir, et la mère de Louise l’avait vu, qu’au chagrin d’Edmond avait succédé quelque projet dont elle ignorait la nature.

En effet, le jeune homme, dans tous les instants qu’il ne consacrait pas à madame de Soulanges, s’interrogeait sans cesse intérieurement pour s’affermir dans sa résolution.

Aussi innocent que soit un secret, quand il s’interpose entre deux personnes accoutumées à se communiquer toutes leurs pensées, le charme est rompu.

Madame de Soulanges se gardait bien de troubler le calme de son mari ; elle n’osait plus parler de son chagrin à Edmond de Lébis ; aussi pendant tout le voyage retomba-t-elle toujours douloureusement sur le souvenir de sa fille.

Mais à quoi bon s’appesantir plus longtemps sur un récit qui n’a peut-être été que trop long ? Revenue en France, madame de Soulanges contracta une maladie qui la conduisit au tombeau, un an après son retour d’Italie. Le courage