Soulanges. Le cérémonial inusité des églises de Rome dépaysait sa piété ; aussi toutes les fois qu’il lui était possible d’assister aux offices à Saint-Louis des Français, ne manquait-elle pas d’y aller prier à sa manière et selon les habitudes de son enfance.
Ce n’était pas sans quelque répugnance intérieure qu’elle observait dans les grandes basiliques de Rome le luxe des marbres, des peintures et des habillements ; les sons parfois mondains de la musique, et l’air inattentif de la foule qui prie en marchant sur des fleurs.
Plus d’une fois, conduite en ces lieux par M. de Soulanges et par Edmond de Lébis, la mère de Louise, dans sa douleur jalouse, fut blessée de l’empire que ces distractions prenaient sur ces deux personnes. Rien n’augmente, n’irrite nos chagrins et nos regrets comme de les voir diminuer dans l’âme de ceux qui les ont éprouvés aussi fortement que nous. Madame de Soulanges avait trop d’élévation dans l’esprit pour laisser soupçonner une pareille faiblesse ; elle se la reprochait même intérieurement, mais après les courses du jour, le soir lorsqu’elle était seule, car elle ne voulut jamais fréquenter aucune société, toute l’amertume de son chagrin retombait sur son cœur, et le souvenir de son enfant se représentait à elle plus vif que jamais.
En présence du cercueil de Louise, Edmond, ardent tout à la fois d’amour et de piété, avait accepté mentalement la défunte comme fiancée, comme épouse céleste, et s’était juré là à lui-même, de rester fidèle à ce pieux engagement. Sa résolution demeurait inébranlable. Mais quelle que soit la force du caractère d’un homme, toujours il sent le besoin d’en prévenir la mobilité. Un instinct secret avertit même les âmes les plus courageuses de se mettre à l’abri de quelque institution puissante qui ne leur laisse plus la faculté de faillir. Déjà en France, Edmond de Lébis avait eu l’idée d’entrer dans les ordres. Mais à Rome, lorsqu’il eut l’occasion de fréquenter ce clergé au milieu duquel il y a tant d’hommes remarquables par leur piété, leur savoir et leurs manières ; quand il vit cette élite de la société de ce pays, former un corps imposant par le bien qu’il peut faire, par les talents