Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/550

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques années il est prêtre ; et s’il faut en croire ce que rapportent ceux qui sont arrivés dernièrement de Rome, M. de Lébis est bien en cour, et dans la voie qui mène aux plus éminentes dignités ecclésiastiques.

Quant à M. de Soulanges, revenu à son château, il employa le superflu de sa fortune à le reconstruire sur un plan nouveau. Entre autres embellissements, il y éleva une aile en forme de vaste galerie où il plaça toutes les curiosités bonnes ou mauvaises qu’il avait rapportées d’Italie. Cet homme, avec l’inconséquence d’un caractère bon, mais frivole, fit placer dans ce musée, auprès des dieux du paganisme et parmi les bustes d’empereurs romains, les portraits de sa fille et de sa femme, qu’il avait fait sculpter en marbre.

Ce nouvel état de maison et ses goûts naturels l’entraînèrent promptement à recevoir beaucoup plus de monde chez lui qu’avant son veuvage. Après une année ou deux passées ainsi, la privation de famille lui devint insupportable. Ses connaissances, ses amis mêmes lui firent entendre que riche, et assez jeune encore, il ferait bien de penser à se remarier. Il ne resta point sourd à ces conseils. Il chercha une femme, épousa une veuve, en eut des enfants, fut entouré d’une nouvelle famille, s’accoutuma à un nouveau bonheur, et oublia complètement les chagrins qu’il avait éprouvés.

À Soulanges, le souvenir de la mère et de la fille ne fut conservé que par M. Delahire, le curé, et Toinette.

À Rome, Louise devint pour Edmond de Lébis un ange gardien dans la vie sainte qu’il avait résolu de mener sur la terre.

En ce monde, toutes les douleurs cèdent au temps ; toutes ! excepté celle d’une mère qui a perdu une fille de seize ans !