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eût reçu toutes les meurtrissures qui lui étaient réservées. Après être demeuré longtemps immobile, et l’œil machinalement fixé vers la trace de Thérèse, il se rapprocha enfin de Caroline. Elle tenait un regard penché vers la terre, et pleurait. À cette vue, Robert, dont l’âme était brisée, et qui prévoyait de nouvelles douleurs, voulut reprendre de l’empire sur lui-même. Essuyant donc les larmes qui inondaient ses joues :

« Réunissons-nous, dit-il en élevant la voix, et marchons ensemble !

— Ah ! Robert, s’écria Caroline, cela n’est plus possible ; tu le sais bien... je ne m’appartiens pas... Ah ! Robert, pourquoi t’ai-je connu, puisque je ne puis passer ma vie avec toi ?... Tout est rompu, tout est fini entre nous... Pardonne-moi si je t’ai rendu malheureux... J’étais si heureuse de t’aimer !... Ah ! Robert ! .. Adieu, Robert ! »

Robert, suffoqué par les sanglots, ne put articuler un seul mot de réponse ; et lorsque Caroline lui eut dit adieu, étouffant de douleur, il se jeta dans ses bras en lui murmurant aussi un adieu ; puis il se laissa tomber à terre sans connaissance.

Caroline prit rapidement sa marche du côté où se levait la lune.

Flavie par discrétion s’était tenue jusqu’à cet instant à quelque distance des trois interlocuteurs ; se sentant seule, et voyant Robert tombé, elle se précipita aussitôt vers lui.

Il était pâle, et une sueur froide découlait de son front. Flavie se mit à genoux près de son corps, lui prit les mains, et chercha à s’assurer des battements de son cœur, en l’appelant à haute voix.

« Robert !... Robert ! m’entendez-vous ? Ah ! Robert, entendez-moi ! écoutez-moi ! C’est Flavie qui vous parle, c’est Flavie qui veut vous consacrer sa tendresse, sa vie, pour adoucir vos chagrins. Ah ! Robert ! ayez pitié de la pauvre Flavie, qui est seule au monde ; conservez-vous pour elle, pour qu’elle puisse vous aimer. »

En laissant échapper ces paroles, Flavie prodiguait mille tendresses à Robert ; elle réchauffait ses mains, baisait ses