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maintenant pour que vous ayez le droit de me quitter. Je ne puis plus vivre sans vous ; il faut que je vous voie, que je vous entende ; que si vous ne me jugez pas digne d’un autre titre près de vous, permettez-moi de prendre celui de votre servante. Je vous soignerai comme un maître ; je vous vénérerai comme un père, mais faites que je ne vous quitte pas. »

Les mouvements de Flavie n’étaient guère mieux réglés que ses discours, et Robert demeura consterné par la terreur que lui imprima cette audace de l’innocence. Il sentit s’amasser dans son cœur un mélange de tendresse et de désespoir qui l’opprima. Rien ne venait à son secours, ni la parole ni les larmes : il étouffait. Flavie, qui s’aperçut alors de l’angoisse qu’elle avait causée, se repentit des plaintes qui lui étaient échappées, et, dans son ignorance, elle pensa que quelques paroles involontaires avaient pu blesser Robert. Alors elle redoubla de soins et de caresses auprès de lui pour l’apaiser, pour l’engager à rompre le silence et à lui confier ce qu’il éprouvait. — J’ai tort, lui disait-elle, je m’y prends mal pour me faire aimer. Mais, pardonnez-moi, j’ignore encore ce qui pourrait vous plaire. Dites-le-moi, oh ! dites-le-moi, et je vous obéirai en tous points. Ordonnez ; que j’aie au moins le bonheur de vous obéir ! »

Cette disposition plus favorable contribua à ramener un peu de calme dans l’âme de Robert. Un sourire triste effaça l’expression convulsive de son visage, et il se laissa aller jusqu’à prendre la main de Flavie, qu’il serra dans les siennes. — Vous vous sentez mieux à présent, n’est-ce pas ? lui demanda-t-elle avec cette angélique expression de la jeunesse. — Oui, un peu mieux, ma chère, répondit-il avec une retenue mêlée de quelque sévérité. — Je le vois bien, reprit Flavie en pleurant, je vous ai offensé. — Non, ma chère enfant ; vous m’avez causé quelque peine, mais j’en ai déjà perdu le souvenir ; n’y pensons plus. — Je ne sais pourquoi, j’ai peur maintenant auprès de vous ? Dieu ! comme vos paroles sont devenues graves tout à coup !... Je n’ose plus soutenir vos regards...

Robert gardait le silence, et peu à peu les paroles expi-