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« Flavie, dit enfin Hobert avec gravité, sois certaine que je t’aime bien tendrement aussi. Approche, que je baise ton front, mais ton front seulement... »

Une impression de respect et de crainte involontaires calma pour quelques instants l’agitation de Flavie. Elle obéit à celui qui avait repris l’attitude de son protecteur, et reçut respectueusement un baiser sur son front.

Ils continuèrent de marcher. Robert avançait en silence, et absorbé dans ses réflexions. Pour Flavie, dont la tendresse, pour être contenue, n’en était devenue que d’autant plus vive, elle ne laissait échapper aucune occasion d’en donner des preuves. Elle conduisait Robert avec l’attention qu’elle eût prise pour guider un aveugle ; elle lui évitait tout ce qui pouvait le contrarier dans sa marche. La moindre inégalité du terrain, une pierre, un caillou même, elle les tournait ou les éloignait avec précaution, par respect pour la tristesse de son protecteur chéri.

Après avoir suivi le sentier toute la nuit, il s’arrêtèrent pour prendre du repos sur quelques pierres abritées par des arbres. Le jour commençait à poindre, et de ce côté de l’horizon s’élevait la flèche d’un clocher. Flavie le reconnut aussitôt pour celui du couvent de Sainte-Claire ; aussi un voile de tristesse sombre se répandit-il sur sa physionomie. — « Robert, dit enfin d’une voix timide la jeune Flavie, est-ce que vous allez me reconduire au couvent ? — Mais Robert ne répondit rien. — N’aurais-je, continua-t-elle avec crainte, mais du ton le plus soumis et le plus tendre, n’aurais-je dû rester que si peu de jours près de vous ? Ne vous seriez-vous fait connaître à moi que pour m’obliger de vous quitter si tôt ? Oh ! non, Robert ! s’écria-t-elle tout à coup en sanglotant et en le pressant dans ses bras ; non, votre cœur est trop bon, et je vous aime trop tendrement pour que vous usiez d’une telle barbarie à mon égard. Qu’ai-je fait continuait-elle en multipliant ses caresses, de quelle faute me suis-je rendue coupable envers vous, pour que vous refusiez mes tendresses ; pour que votre front s’arme de sévérité quand je veus parle, pour que vous réprimiez d’une manière si cruelle l’effusion de mon cœur ? Ah ! Robert, je vous aime trop