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prit courage. Dans cette attitude, elle rassemble ses forces et prend la résolution de sortir de ce lieu. Elle se lève, et, dans la persuasion où elle était que son salut dépendait entièrement d’elle-même, elle comprima toutes les craintes et les faiblesses de son cœur. Ayant donc essuyé avec son linceul quelques larmes que l’horreur de sa position lui avait arrachées, elle se mit à ramper sur ses mains et ses genoux en se dirigeant, à travers les ténèbres du tombeau, vers le faible rayon de lune. Un obstacle l’arrêta ; c’était un petit escalier. Avant de le gravir, elle s’assit sur la première marche, et là s’arrêta quelques instants pour recueillir ses forces. Alors Ginevra monta successivement les degrés, invoquant à chaque pause le saint nom de Jésus, et s’aidant à la fois de son courage et de ses prières, dans l’espérance de retourner à la vie. Parvenue au haut de l’escalier, elle sentit la pierre qui bouchait l’entrée du sépulcre, et essaya de la lever. Par un heureux hasard, cette fermeture n’était pas très-pesante, et l’on n’avait pas encore eu le temps de la sceller. Ginevra la poussa donc en dehors, sortit du tombeau ; et, après avoir remercié Dieu et la Vierge, elle se dirigea aussitôt vers la tour du clocher.

C’était à la fin d’octobre, aux approches de l’hiver. Le vent soufflait fort et était froid. Ginevra, après avoir traversé la place, entra dans la ruelle qui rase la chapelle de la confrérie de la Miséricorde. En effet, c’est depuis ce temps que l’on a nommé ce passage Ruelle de la Morte, car, avant cet événement, ce lieu n’était pas nommément désigné. Ginevra arrivée près de la maison de son mari, frappa à la porte. Francesco était auprès du feu, triste, réfléchissant sur la perte inattendue qu’il venait de faire. Le coup qu’il entendit le fit lever en sursaut. Il entr’ouvrit la fenêtre et demanda : — Qui est là ? qui frappe ? — Ginevra, ta femme ; n’entends-tu pas ma voix ? ne me reconnais-tu pas ? Aux accents de sa femme qu’il venait de porter en terre, Francesco fut saisi de crainte, et fit le signe de la croix en disant : — Sois tranquille, demain, dès le jour, j’irai entendre la messe et faire des prières afin que Dieu donne la paix à ton âme ; puis il referma sa fenêtre. Lorsque l’infortunée Gi-