nevra se vit abandonnée par son mari, ses larmes coulèrent en abondance. — Ah ! que vais-je devenir, malheureuse que je suis ? disait-elle ; je le vois, je ne pouvais éviter la mort cette nuit ! Toutefois, elle rappela encore son courage et alla à la demeure de son père ; il n’était pas rentré ; puis chez sa mère, à la porte de laquelle elle frappa. La mère de Ginevra était aussi tristement assise devant son feu, lorsque effrayée par le bruit que fit le marteau de la porte, elle se leva brusquement, et, mettant la moitié du visage hors de la fenêtre, demanda : — Qui va là ? qui frappe ? — D’une voix tremblante et affaiblie, Ginevra dit : — Votre fille. À ces mots, frappée à la fois d’étonnement et d’épouvante, sa mère balbutia cette réponse : — Âme bienheureuse ! ô fille chaste et honnête ! va, et que Dieu t’accompagne ! À peine eut-elle ainsi parlé qu’elle referma la fenêtre en toute hâte. Pour Ginevra, pleurant à chaudes larmes de se voir ainsi abandonnée, elle maudissait en elle-même le jour où elle était née.
Elle eut de nouveau recours à la prière. Elle implora le Christ, afin qu’il ne la laissât pas sans secours au milieu de son malheur. Ses forces l’abandonnaient. Elle était déjà si fatiguée, qu’à peine si elle pouvait se tenir droite sur ses pieds. Par moments, son découragement était si complet, qu’elle se sentit plus d’une fois tentée de rentrer dans le tombeau d’où elle était sortie, pour aller y chercher le repos et y attendre la mort. Sa crainte était de succomber à moitié chemin et de mourir dans la rue. L’idée de cette fin misérable lui fit horreur et ranima son courage. Tout à coup il lui revint dans la mémoire qu’elle avait un oncle qui habitait Florence. Malgré la distance qu’il fallait parcourir pour arriver à sa demeure, elle se décida à aller implorer son assistance. Elle se traîna jusqu’à sa maison, frappa à la porte et lui demanda secours en invoquant le nom de Dieu. Mais l’oncle lui répondit : « Âme bienheureuse, va, et que Dieu te conserve dans sa sainte paix ! »
Cette fois, Ginevra perdit tout à fait courage. L’idée de n’avoir échappé à une mort cruelle que pour en subir une plus affreuse encore, après avoir été abandonnée de son