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leva, et courut la placer dans un lit, qu’il chargea encore de couvertures.

Cela fait, ce tendre et fidèle amant, penché sur le lit, les yeux fixés sur Ginevra, attendit dans les angoisses de la crainte et de l’amour, le moment où il reconnaîtrait si elle était morte ou s’il pouvait espérer qu’elle revînt à la vie. Il demeura dans cette attitude et dans cette anxiété pendant une demi-heure et plus. Enfin la chaleur du lit rendit peu à peu le mouvement à Ginevra, qui ne tarda pas même à s’en sentir incommodée, et se mit à agiter ses bras pour se débarrasser des couvertures dont le poids la fatiguait. Antonio ne se sentit plus de joie, il redoubla de soins auprès d’elle, et ce fut avec des précautions et une adresse que l’amour seul suggère, qu’il retint et recouvrit ses mains, que, dans les mouvements d’une impatience convulsive, elle exposait à l’air. «Ma chère âme, lui répétait-il, ma chère âme, n’ayez aucune crainte, restez calme, et prenez du repos ; je donnerai fin à vos maux. Demandez, ordonnez, je suis prêt à satisfaire à toutes vos volontés, mais au nom du ciel, écoutez-moi, et ne vous agitez pas ainsi. » Pour elle, timide et tant soit peu honteuse : « Mon cher Antonio, dit-elle, pour première grâce, je te prie de prendre mon honneur sous ta protection. Si, comme je le crois, ton âme est sensible à la pitié, n’oublie pas que Ginevra, abandonnée de tous les siens, est venue se recommander à toi. » Elle lui raconta ensuite et de point en point comment elle avait été enterrée, de quelle manière, après s’être échappée du tombeau, et après avoir été abandonnée de son père, de sa mère, de son oncle et de son mari, elle s’était souvenue de lui, Antonio, et avait eu l’idée d’éprouver sa constance.

« Comme tu le vois, ajouta-t-elle, je suis venue dans la maison te demander asile et protection. Que si, autrefois, tu m’as jugée indifférente et ingrate envers toi, ne m’en sache pas mauvais gré. Apprends qu’alors je n’ai fait que remplir un devoir envers ma famille. Pardonne-moi donc ; je reconnais aujourd’hui combien tu as été discret et à quel point tu es fidèle. Tu me pardonnes, n’est-ce pas ? Mais, ajouta Ginevra en exprimant un léger sourire sur sa figure qui