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portait encore l’empreinte de la douleur et de la souffrance, cher Antonio, je pense que nous aurons le temps nécessaire pour causer au long de toutes ces choses ; donne-moi, je te prie, quelque nourriture, car il y a bien longtemps que je n’ai rien pris, et j’ai grand besoin de réparer mes forces. — Ah ! chère amie, s’écria Antonio, rien ne va te manquer. » Puis, s’adressant à sa mère, qui demeurait avec lui dans la maison : « Faites apprêter la table, lui dit-il, et que la servante prépare ce qu’elle a à sa disposition. En attendant, donnez à boire à notre pauvre malade. » Pendant que l’on se disposait à exécuter ces ordres, Ginevra prit Antonio par le bras, et, s’approchant de son oreille, elle lui dit : « Prends ton manteau, et va, sans tarder, au tombeau d’où je suis sortie. Fais en sorte de refermer si bien la pierre d’entrée, que personne ne puisse soupçonner que je me suis échappée de ce lieu. Va, va sans tarder ; de ce soin dépend le bonheur du reste de ma vie. »

Antonio partit à l’instant même pour s’acquitter de cette commission. Il replaça soigneusement la pierre et effaça autour d’elle toutes les traces qui auraient pu faire croire qu’elle avait été touchée. Dès que ces soins furent pris, il se disposa à regagner promptement la maison. Cependant il prit un détour pour revenir par le marché, où il fit emplette d’un beau pigeon, de massepains et de figues sèches, destinés à compléter le repas qu’il allait offrir à sa chère Ginevra.

En rentrant, il confia ces provisions à sa mère pour les faire apprêter ; puis, après avoir annoncé à Ginevra qu’il avait exécuté sa volonté, par la gaieté de ses discours, par les attentions qu’il prodiguait et par les douces paroles qu’il ne cessait de dire, il parvint à distraire et à raffermir entièrement l’esprit de sa bien-aimée. Dès que la table fut dressée, il l’approcha du lit : ce fut lui qui servit Ginevra, choisissant ce qui pouvait lui plaire davantage et nuire le moins à sa santé, et il se mourait d’aise de la voir chez lui, à sa table, mangeant les mets que lui-même avait achetés et choisis.

Après le repas, Antonio se disposa à se retirer dans sa chambre ; mais avant de partir, et en laissant Ginevra aux soins de sa mère, il recommanda plusieurs fois à la servante