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pu faire sortir du cœur d’Ernest le parfum d’amour si fort que mademoiselle de Liron y avait déposé. Il s’était d’ailleurs conduit en galant homme. Cornélia lui avait si ouvertement témoigné son goût pour lui, qu’il eût été plus que ridicule à un homme de son âge, et dans la ville où il se trouvait, d’affecter une rigueur qui ne convient jamais à son sexe. De plus, et lorsqu’il eut lieu de penser que la jeune Romaine attendait de sa part l’entier abandon de son cœur, il avait eu la bonne foi de lui laisser entendre qu’il appartenait depuis longtemps à une autre.

Dans cette occasion, la pauvre Cornélia se trouva, comme elle le dit elle-même, dans son tort, et elle subit le sort si commun à la plupart des humains qui se laissent toujours entraîner au bonheur du moment, sans vouloir réfléchir aux regrets qui arriveront ensuite.

Le chagrin que ressentit Ernest de cette séparation fut vif et très-sincère. Mais l’amant de mademoiselle de Liron n’avait pas fait cent pas dans la rue pour rentrer au palais de France, que l’idée de son départ prochain et de l’arrivée de la lettre qu’il attendait de Chamaillères, vint reprendre toute la place dans son esprit et dans son cœur.

À peine fut-il entré dans la chancellerie qu’il demanda si les lettres étaient arrivées. Précisément on les distribuait ; mais dès qu’il eut reçu le paquet qui lui revenait et du milieu duquel il aperçut et retira aussitôt la lettre portant le timbre de Clermont, on vint l’avertir que l’ambassadeur le faisait demander. Il monta aussitôt. C’était en effet pour recevoir les instructions relatives à la mission dont il allait être chargé et l’ordre de partir dans la nuit prochaine.

Quoique l’affaire dont il s’agissait ne fût pas d’une haute importance, cependant elle était pressée, et l’ambassadeur, pour ne pas perdre de temps, avait pris le parti d’en confier verbalement quelques détails à Ernest. Ce jeune homme avait assez peu de goût pour l’état où il se trouvait engagé, toutefois il avait l’esprit si lucide, la mémoire si ferme, qu’il saisissait et retenait les affaires les plus chargées de détails avec une grande promptitude. De son côté, l’ambassadeur était l’homme aux petits soins, et pour n’avoir rien à se re-