procher, il répétait la même chose plutôt dix fois qu’une. La conférence dura plus d’une heure et demie. Or, comme au bout de dix minutes Ernest était parfaitement au courant de ce qu’il avait à faire, le reste du temps lui parut durer un siècle. De toutes les lettres qu’il avait reçues dans les bureaux, il n’avait pris que celle de sa cousine, et tout en écoutant et en répondant machinalement, il portait sans cesse la main dans la poche où il l’avait mise. Il en calculait le contenu par son volume ; il touchait légèrement le cachet avec son doigt pour lire par le secours du tact le chiffre de sa cousine qui y était empreint. Poussé par une curiosité qui s’augmentait à mesure que durait la conférence, il alla jusqu’à profiter des instants où l’ambassadeur était tourné vers son bureau et où il cherchait des papiers, pour tirer la lettre de son habit, la baiser, en respirer même l’odeur, dans l’espérance de recueillir quelque chose de celle qu’il aimait. Enfin l’ambassadeur donna congé à Ernest. Tout palpitant de joie et d’impatience, il monta chez lui, où il s’enferma pour faire sa lecture à son aise et sans être interrompu.
Cette lettre était fort longue, et l’on n’en rapportera que ce qu’il est indispensable d’en connaître.
En voyant la date, « Chamaillères, ce 23 juin 18**, » Ernest ne put se tenir de baiser mille et mille fois cette ligne qui renouvelait en quelque sorte tout son bonheur. L’émotion qu’il en ressentit fut assez forte, et les larmes de joie qu’il répandit devinrent assez abondantes, pour qu’il fût obligé d’attendre quelques minutes avant d’entreprendre sa lecture. Enfin il la commença.
Sa cousine lui écrivait : « Je suis vraiment enchantée de ce que vous me marquez dans votre dernière lettre du commencement de ce mois. Vous réussissez dans la carrière où vous êtes, vous n’avez point de dégoût pour les occupations de votre état, ce qui est bien important ; et enfin vous voilà presque devenu un savant. Je suis bien aise que vous ayez repris l’étude de l’anglais, que vous parliez l’italien sans peine, et je vous prie de remercier de ma part, si vous le voulez, ce bon camaldule, le père Taddeo, des soins vraiment délicats qu’il a pris pour vous faire relire