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jaloux ? de vous ! Sa femme, la bonne Mariette, reste à mon service. L’autre mariage ne vous déplaira pas plus qu’à moi. Enfin M. de Thiézac, après avoir parcouru tous les châteaux de l’Auvergne pour trouver une vieille fille qui lui plût et à qui il convînt, a épousé mademoiselle d’Entremont, avec laquelle il se fixe dans une fort belle terre qu’il a aux environs de Saint-Flour. Cette dernière affaire m’a mis du baume dans le sang, car je savais que depuis un an M. de Thiézac errait dans la basse et haute Auvergne en cherchant aventure, et j’étais fort impatiente de le voir casé. »

La lettre de mademoiselle de Liron se terminait par des éloges et des remercîments adressés à Ernest sur les lettres qu’il lui avait écrites depuis leur séparation, et particulièrement de celles qui lui étaient venues de Rome :

« Ne vous attendez pas cependant, disait-elle, que je vous parle longuement de votre Quirinal, des villes, des ruines et de toutes les curiosités que vous voyez. Je n’aime toutes ces choses qu’autant qu’elles vous plaisent ; que parce que j’imagine qu’elles donneront plus d’éclat à votre esprit, plus de charmes à tout ce que vous dites. Les détails que vous me donnez sur la société de Rome et sur la beauté des femmes que l’on y rencontre, m’intéressent davantage, et si je pouvais avoir l’idée de vous faire un reproche, ce serait d’avoir glissé bien laconiquement sur ce dernier sujet. »

Ernest, en lisant ces dernières lignes, pensa à Cornélia, et s’aperçut bien que, malgré toute la discrétion et la réserve qu’il avait mises dans ses lettres, il ne lui avait pas été possible de mettre la pénétration d’une amante en défaut. Il resta quelques instants pensif. Mais il ne put bientôt s’empêcher de sourire, tout en se sentant pénétré de tendresse, en lisant le passage suivant, qui peignait si vivement ce qu’il venait d’éprouver lui-même, quelques instants avant, chez l’ambassadeur :

« Je ne saurais vous exprimer, finissait par dire mademoiselle de Liron, le charme qui s’attache pour moi aux lettres d’un ami. Quand il en arrive une, d’abord on la regarde,