auxquelles ni l’un ni l’autre des promeneurs n’attachait la moindre importance. Tout en débitant ainsi des paroles, faute d’oser se rien dire, mademoiselle de Liron et Ernest passèrent près de l’arbre où le pauvre petit cousin avait tant pleuré l’année dernière, lorsqu’on lui dit « qu’il n’était qu’un enfant ! »
Ernest s’approcha de l’arbre. Après l’avoir observé attentivement en mettant plusieurs fois la main sur le tronc, sans dire un mot, il dirigea son regard vers celui de sa cousine, qui crut y démêler, alors, du milieu d’une expression pleine de tendresse, un rayon de joie victorieuse qui la troubla. Elle rougit, et comme elle s’était remise en marche, tout aussitôt Ernest la rejoignit et lui offrit son bras.
— Volontiers, lui dit-elle, car je me sens fatiguée ; allons nous asseoir sur le banc, vous me parlerez encore de Rome et de tout ce que vous y avez vu de curieux et de beau. En effet, Ernest mit sa cousine au courant de mille détails dont il n’avait pu l’entretenir dans ses lettres, et pendant cette conversation, qui dura plus d’une heure, il arriva une ou deux fois que les réticences les plus adroitement ménagées par Ernest furent précisément ce qui laissa deviner beaucoup à mademoiselle Justine.
Cet entretien fut interrompu par l’arrivée du médecin, qui sortait de chez M. de Liron, et venait à la recherche de sa fille pour s’informer aussi de l’état de sa santé. À son approche, Ernest se leva, et ces deux messieurs se saluèrent avec cette politesse grave et froide qui indique que l’on ne se connaît pas.
D’après les apparences, M. Tilorier pouvait avoir de trente-deux à trente-cinq ans. Avec de la pénétration d’esprit et de la timidité dans le caractère, instruit et se défiant de lui-même, plus propre à la science qu’à la pratique, il avait une sincérité de cœur et une élévation pleine de sensibilité dans l’âme, qui l’auraient rendu bien plus propre à devenir un bon prêtre qu’un habile médecin. Malgré cela, il était recherché à Clermont parce qu’il soignait bien ses malades et qu’il ne les brutalisait pas.
Mademoiselle de Liron l’aimait beaucoup. Croyant peu à