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Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/79

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peut-être pas faire connaître encore ; mais pensez-y et fiez-vous à un homme qui vous aime, qui vous vénère, mais qui sait qu’il n’est pas toujours maître de lui. Je n’invoquerai le souvenir de ce qui s’est passé ici il y a un an que pour mettre plus de franchise à ce que je crois devoir vous dire : je vous aime, Justine ! et en disant ces mots il la pressait fortement dans ses bras. Oui, je vous aime de toute la puissance de ma vie ! mais, au nom du ciel, faites-moi connaître vos intentions, car en ce moment où j’ai repris tout l’usage de ma raison, je sens qu’en me laissant dans l’incertitude où je suis, vous vous exposez, et vous me faites souffrir le martyre.

— Cher Ernest ! dit mademoiselle de Liron, il est toujours le même ; il n’est pas changé, c’est le même cœur droit, sensible, généreux !... Oui... je parlerai... oui, Ernest... je te ferai connaître le fond de mon âme ; je te dirai toutes mes pensées, tous les projets qui roulent dans mon esprit... Mais, cher ami, je me sens bien oppressée en ce moment. Je vous demanderai la permission, ajouta-t-elle après une pause assez longue que le défaut de respiration avait rendue indispensable, de prendre une demi-heure de repos. Allez voir mon pauvre père... bientôt je vous rejoindrai auprès de lui et nous irons ensuite nous asseoir sur le banc de la grande allée. J’ai à vous parler de choses graves.

Ernest lui baisa les mains sans rien dire, puis, après l’avoir aidée à se placer sur une chaise longue dont l’usage lui était devenu parfois indispensable depuis cinq ou six mois, il sortit et alla trouver son vieil oncle.

Mademoiselle de Liron revint comme elle l’avait promis. Elle était encore pâle et paraissait préoccupée. Cependant elle adressa quelques paroles à son père, dont elle ne tira que difficilement des réponses intelligibles. Ernest, par un signe de la main, fit entendre à sa cousine que, depuis son arrivée, l’embarras des idées et la difficulté de s’exprimer s’étaient constamment fait sentir dans le peu de paroles qu’avait dit son oncle, et tous deux, après avoir douloureusement rempli un devoir que le demi-sommeil du vieillard rendait tout à fait inutile, sortirent pour aller au jardin.

Ils firent d’abord silencieusement un ou deux tours d’al-