entendit même le bruit que faisait sa montre accrochée au chevet du lit. Comme son regard se tournait de côté :
— Allez, regardez, touchez même ces meubles, si vous le désirez Ernest, dit mademoiselle de Liron, nous sommes seuls, nous sommes chez nous ici.
Ernest profita de cette permission pour pénétrer jusque dans l’alcôve. Après en avoir observé toutes les parties avec une espèce d’admiration pleine de, tendresse, il s’inclina vers le lit comme pour baiser l’oreiller de sa cousine. Il hésita cependant, dans la crainte de lui déplaire, et, dirigeant vers elle un regard interrogatif, dès qu’il la vit sourire, il couvrit de baisers la place où avait reposé sa tête.
Mademoiselle de Liron courut vers lui, et l’embrassa avec franchise et vivacité :
— Tu es un homme rare, Ernest, lui dit-elle ; la permission ne te refroidit pas.
Mais celui-ci n’eut pas plus tôt senti sa cousine entre ses bras, qu’il ne put se tenir de lui prodiguer mille caresses. Mademoiselle de Liron commençait à se repentir d’avoir trop compté sur ses forces et sur celles de son ami ; déjà prévoyant sa défaite et près de céder à la violence de sa propre passion, elle perdait tout espoir d’y résister, lorsqu’elle fit un dernier effort sur elle-même. Du lit sur lequel elle était à demi penchée, elle saisit les mains d’Ernest qui s’égaraient, et lui dit :
— Au nom du ciel ! Ernest, arrête et écoute-moi : te faut-il absolument mon déshonneur, et me promets-tu que demain tu ne seras pas le plus malheureux des hommes de ce que tu auras fait aujourd’hui ? dis, et je me donne à toi.
Ces paroles arrêtèrent à l’instant même l’ardeur fougueuse du jeune homme, qui s’écria :
— Non, je ne veux rien, ma Justine, que mon pardon ! Pendant deux minutes j’ai été abandonné par ma raison.
Mademoiselle de Liron se leva aussitôt, prit Ernest sous le bras, et le dirigea vers les sièges qui étaient à l’autre extrémité de la chambre. Ils s’assirent. Nulle honte ne voilait leurs regards : et en les voyant se sourire doucement, on eût dit deux amis qui se félicitent après avoir uni leur courage pour