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ce qu’il a éprouvé, vu et observé au collège, au pensionnat ou dans sa famille, ne saurait être prévu ni apprécié par les personnes d’un certain âge ; et il y a vingt à parier contre un, qu’un enfant de dix à quatorze ans est au courant de tout ce qui se passe autour de lui. Dans quelque état de vague que soient encore ses idées et ses passions, leur développement réel surpasse toujours leur apparence. L’incertitude des connaissances déjà acquises par les enfants et la timidité qui en résulte, leur donne une sorte de niaiserie à laquelle il serait dangereux de se fier. Dans la première jeunesse, et plus tard, au temps de l’adolescence, il se développe deux phénomènes analogues, dignes de toute notre attention. Lorsqu’on apprend aux enfants à connaître les lettres, par exemple, et qu’ils en sont restés pendant deux ou trois mois à épeler les syllabes, il se déclare ordinairement tout à coup, durant l’espace d’une nuit, une révolution dans leur intelligence, et ils passent subitement de l’épellation à la lecture courante et à la compréhension. Toute mère attentive a pu observer cet admirable phénomène. Mais celui qui leur échappe plus ordinairement est la transition non moins subite et plus importante, de l’état de l’esprit et de l’âme d’un enfant quand il entre dans l’adolescence. Il en est alors de ses idées éparses et isolées comme des lettres et des syllabes sans rapport entre elles et n’exprimant rien : par une de ces opérations dont Dieu seul a le secret, tout s’arrange, se coordonne, s’harmonie à la fois, et la lumière est faite tout à coup.

À l’égard des enfants parvenus à cet âge, il y a une prévoyance tout à fait négligée depuis un siècle bientôt par les parents. Dans l’entraînement de leur tendresse trop souvent mesquine et bourgeoise, outre les soins excessifs et dangereux même, sous le rapport de l’hygiène, qu’ils portent à la personne de leurs enfants, et les efforts qu’ils font pour leur éviter toute impression pénible, ils veulent encore qu’ils s’instruisent sans peine et même en s’amusant. Ce système absurde, dont on a tant abusé de notre temps, a eu deux mauvais résultats : l’un, le plus fâcheux, fut celui de répandre l’usage des lectures frivoles et superficielles parmi les jeunes gens ; et l’autre d’avoir contribué au déclin de l’art dramatique ; car c’est particulièrement depuis que l’on s’est mis