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Et en effet, Ernest, en caressant les mains de sa cousine, les arrosait de ses larmes.

— Tu pleures ? oh ! fasse le ciel que ces regrets soient les derniers ! Pleure donc, mon ami, soulage ton cœur ; purge-le de tous ces désirs ennemis, destructeurs menaçants du seul bonheur qu’il soit désormais en notre pouvoir de goûter. Pleure, va ; je ne rougis pas de te dire que mes larmes ont autant besoin de couler que les tiennes.

Et tous deux pleuraient ; et tous deux, en consacrant par des caresses tendres, mais pures, le nouveau lien qui devait les unir, confondaient avec leurs larmes l’expression de leurs regrets et de leur espoir.

Lorsque le repos et le silence qui succédèrent à ces émotions et à ces paroles eurent permis aux deux amis de redevenir plus calmes, Ernest fut le premier qui fit observer que l’heure de la nuit était déjà avancée.

— Ne pensez-vous pas, ma chère cousine, dit-il à mademoiselle de Liron, qu’il soit convenable que je vous laisse seule ?

Elle lui prit les deux mains et ne lui donna d’abord pour réponse qu’un sourire qui exprimait son attendrissement, et surtout la reconnaissance que lui inspirait une attention tardive, il est vrai, mais si délicate.

— Merci, Ernest ! dit-elle bientôt, merci ! je vois que tu aimes bien. Mais ne te mets pas en peine de ce que l’on peut dire ou de ce qui doit arriver. Ce que nous avons fait ce soir, ce n’est pas pour nous soumettre aux volontés ou aux fantaisies des autres ; c’est pour nous. Personne, excepté Dieu, ne peut être juge dans notre cause ; je n’écoute donc que ma conscience et toi, toi qui es mon monde ! Quand j’obéis à mon cœur, si je te plais, si tu m’aimes, si tu m’estimes, que m’importe l’opinion des autres ? Ah ! depuis longtemps je ne dépends plus d’eux. Je fais le bien pour le bien, et non pour qu’on me loue.

Après ces derniers mots, mademoiselle de Liron resta quelques instants appuyée sur sa main. Elle souriait en réfléchissant, comme quelqu’un qui sent le besoin d’exprimer une pensée difficile à transmettre, tandis qu’Ernest, de son