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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

cette presque solitude, si je n’ai que des idées vulgaires ?

— Hier, couru et été chez D*** ; exécrable peinture.

— Repris l’envie de faire les Naufragés, de lord Byron, mais de les faire au bord de la mer même, sur les lieux.

— Été le soir chez Henri Scheffer[1].

— Aujourd’hui mercredi soir, je rentre de chez Leblond. Bonne soirée ; il avait fait un extraordinaire : Punch, etc… Quelque musique qui m’a fait plaisir… Dufresne est un homme qui dessèche bien quelque peu.

— Je suis donc comme un sabot ? Je ne suis remué qu’à coups de fourche ; je m’endors sitôt que manquent ces stimulants.

Jeudi 4 mars. — Aujourd’hui, été voir Champion. Déjeuné avec lui.

— Fedel est venu me voir à l’atelier. Dîné ensemble. Le soir à Moïse, et seul : j’y ai trouvé des jouissances. Admirable musique ! Il faut y aller seul pour en jouir[2]. La musique est la volupté de l’imagina-

  1. Henri Scheffer, peintre français, frère d’Ary Scheffer, né en 1798. Il fut élève de Guérin, et ce fut à l’atelier de Guérin que Delacroix fit sans doute sa connaissance. Il débuta au Salon de 1824, comme peintre d’histoire ; il a cultivé aussi d’autres genres et fait des portraits
  2. Cette observation nous paraît intéressante à rapprocher d’un autre passage du journal, dans lequel Delacroix fait la remarque, toujours à propos de musique, que la société des gens du monde, leurs conversations, et la légèreté qu’ils apportent dans tout ce qui touche aux choses d’art, constituent le milieu le plus déplorable pour en jouir.