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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

à travailler comme du marbre : ce serait tout à fait neuf… Rendre la matière rebelle pour la vaincre avec patience.

19 août. — Vu M. Gérard[1] au Musée. Éloges les plus flatteurs. Il m’invite à venir dîner demain à sa campagne.

— Le soir, chez Soulier avec Leblond et Pierret.

— Déjeuné aujourd’hui avec Horace Vernet et Scheffer. Appris un grand principe d’Horace Vernet : finir une chose quand on la tient. Seul moyen de faire beaucoup.

Lundi 4 octobre. — Revu la Galerie des maîtres. — Fait des études au manège et dîné avec M. Auguste. À propos d’un de ses superbes croquis d’après les tombeaux napolitains, il parle du caractère neuf qu’on pourrait donner aux sujets saints, en s’inspirant des mosaïques du temps de Constantin.

  1. L’opinion flatteuse de Gérard avait été très sensible à Delacroix. Gérard avait été frappé des débuts du jeune peintre ; on lui prête ce mot : « C’est un homme qui court sur les toits. » Mais, comme dit Baudelaire, « pour courir sur les toits, il faut avoir la tête solide », et cette apparente critique n’était en réalité que le voile dont il couvrait l’étonnement que lui avaient inspiré ses admirables débuts. En 1837, Delacroix posa sa candidature au fauteuil de Gérard : « Je vous prie, écrivait-il au président, de vouloir bien faire agréer, par la classe des Beaux-Arts, ma candidature à la place vacante dans son sein par la mort de M. Gérard. En mettant sous ses yeux les titres sur lesquels je pourrais fonder mes prétentions à l’honneur que je sollicite, je ne puis me dissimuler leur peu d’importance, surtout dans cette occasion où la perte d’un maître aussi éminent que M. Gérard-laisse dans l’École française un vide qui ne sera pas comblé de longtemps. » (Corresp. t. I, p. 215.)