Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
249
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

vu, pour l’Othello, étudier une grimace devant la glace ; la sensibilité ne procéderait pas ainsi.

Garcia nous contait encore que la Malibran était embarrassée de l’effet qu’elle devait chercher pour le moment où l’arrivée imprévue de son père suspend les transports de sa joie, quand elle vient d’apprendre qu’Othello est vivant. Elle consultait à cet égard Mme Naldi, la femme du Naldi qui périt par l’explosion d’une marmite, et mère de Mme de Sparre[1]. Cette femme avait été une excellente actrice ; elle lui dit qu’ayant à jouer le rôle de Galatée dans Pygmalion, et ayant conservé pendant tout le temps nécessaire une immobilité tout à fait étonnante, elle avait produit le plus grand effet, au moment où elle fait le premier mouvement qui semble l’étincelle de la vie.

La Malibran, dans Marie Stuart, est amenée devant sa rivale Élisabeth par Leicester, qui la conjure de s’humilier devant sa rivale. Elle y consent enfin, et, s’agenouillant complètement, elle implore tout de bon ; mais outrée de l’inflexible rigueur d’Élisabeth, elle se relevait avec impétuosité et se livrait

  1. Giuseppe Naldi, chanteur italien, né en 1765, mort en 1820 à Paris. Après de grands succès en Angleterre, il débuta en 1819 sur la scène des Italiens, à Paris ; mais l’année suivante un terrible accident vint mettre fin à sa carrière. Une marmite de récente invention, et dont la soupape avait été trop fortement fixée, éclata en morceaux dans une expérience, et Naldi, atteint par les débris, fut tué net.

    Sa fille et son élève, Mlle Naldi, avait débuté également en 1819 au théâtre Italien et partagé la vogue de la Pasta. Elle quitta la scène en 1823 pour épouser le comte de Sparre, et depuis cette époque elle ne s’est plus fait entendre que dans les salons.