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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Mercredi 4 avril. — Jour du dîner de Véron[1]. J’étais exténué en y allant.

Je me suis ranimé et amusé. Son luxe est surprenant : des pièces tendues en soie magnifique, le plafond compris ; argenterie somptueuse, musique pendant le dîner : usage, du reste, qui n’ajoute rien à la bonté du dîner et qui déroute la conversation qui en est l’assaisonnement.

Armand Bertin m’a parlé chez Véron d’un livre sur la vie de Mozart, compulsé et extrait de tout ce qui a été fait sur lui ; il m’a promis de me le prêter. Ce livre est très rare, à ce qu’il paraît.

L’homme recommence toujours tout, même dans sa propre vie. Il ne peut fixer aucun progrès. Comment un peuple en fixerait-il un dans sa forme ? Pour ne parler que de l’artiste, sa manière change. Il ne se rappelle plus, après quelque temps, les moyens qu’il a employés dans son exécution. Il y a plus, ceux qui ont systématisé leur manière au point de refaire toujours de même, sont ordinairement les plus inférieurs et froids nécessairement.

Dîné chez Véron avec Rachel, M. Molé, le duc d’Ossuna, général Rulhieri, Armand Bertin, M. Fould, qui était près de moi et s’est montré prévenant. Rachel est spirituelle et fort bien de toutes manières.

  1. Le docteur Véron, le fondateur de la Revue de Paris, l’ancien directeur de l’Académie de musique, l’auteur des Mémoires d’un bourgeois de Paris, où l’on retrouve une foule de détails intimes sur Delacroix.