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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

si attrayant, vous autres artistes, vous autres hommes ? Qu’est-ce que cela a de plus intéressant que tout autre objet vu dans sa nudité, dans sa crudité, une pomme, par exemple ? »

— J’avais cheminé, vers quatre heures et demie, avec le vieux père Isabey[1]. Il m’a fait un cours sur les lunettes. C’est Charles qui lui a donné le conseil d’avoir ses lunettes divisées en deux. Il lui a dit : « Change de verre, aussitôt que tu t’aperçois que tes yeux se fatiguent le moins du monde. » En ne le faisant pas, on risque d’être forcé de sauter un numéro, ce qui m’est arrivé. « Tu vivrais, lui a-t-il dit, comme Mathusalem, que tu aurais encore de quoi y voir clair. » — Il fait de petits repas assez fréquents : cela lui réussit.

Samedi 16 février. — J’ai revu chez M. de Geloës mon tableau du Christ au tombeau qu’il éclaire le soir avec un quinquet ad hoc ; il ne m’a pas déplu.

Dimanche 17 février. — Passé toute ma journée en état de langueur, et je n’avais à faire que des besognes ennuyeuses. Je ne fais rien qui me prépare à ce voyage de Hollande, et cela, pendant que je

  1. J.-B. Isabey, célèbre peintre miniaturiste français, né en 1767, mort en 1855. Ses portraits le montrent comme un dessinateur des plus remarquables. Sous le Directoire, sous l’Empire et sous la Restauration, il jouit de la faveur du public et fut successivement directeur de l’atelier des peintres à la manufacture de Sèvres et conservateur adjoint des Musées royaux.