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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

et été directement jusqu’au chêne Prieur. Quoique la matinée fût magnifique, rien n’a pu me distraire de cette humeur noire. J’ai fait un petit croquis du chêne ; le frais qui commençait à s’élever m’a chassé.

J’ai été particulièrement frappé, sans en être égayé, de cette pourtant charmante musique des oiseaux au printemps : les fauvettes, les rossignols, les merles si mélancoliques, le coucou dont j’aime le cri à la folie, semblaient s’évertuer pour me distraire. Dans un mois au plus, tous ces gosiers seront silencieux. L’amour les épanouit pour le sentiment ; un peu plus, il les ferait parler. Bizarre nature, toujours semblable, inexplicable à jamais !

— Vers trois ou quatre heures, la servante m’a parlé de l’homme qu’elle avait vu entrer dans la maison des gendarmes. Le garçon de la ferme est venu avec le garde champêtre, et je me suis joint à eux pour faire une visite domiciliaire ; toute la soirée nous avons fait de grotesques préparatifs de défense en cas d’attaque de nuit ; tout a été fort heureusement inutile.

Samedi 11 mai. — J’ai reculé encore indéfiniment mon projet de départ que j’avais fixé pour aujourd’hui.

— Le matin, vu Candas dans la maison des gendarmes. Je lui ai parlé de mes projets et de ce qu’on pourrait faire. Ce lieu est charmant : il est bien dommage qu’il n’y ait pas de vignes de ce côté-là.