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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Même soir, une heure et demie de la nuit. — Je viens de voir au milieu de nuages noirs et d’un vent orageux briller un moment Orion dans le ciel. J’ai d’abord pensé à ma vanité, en comparaison de ces mondes suspendus ; ensuite j’ai pensé à la justice, à l’amitié, aux sentiments divins gravés au cœur de l’homme, et je n’ai plus trouvé de grand dans l’univers que lui et son auteur. Cette idée me frappe. Peut-il ne pas exister ? Quoi ! le hasard, en combinant les éléments, en aurait fait jaillir les vertus, reflets d’une grandeur inconnue ! Si le hasard eût fait l’univers, qu’est-ce que signifieraient conscience, remords et dévouement ? Oh ! si tu peux croire, de toutes les forces de ton être, à ce Dieu qui a inventé le devoir, tes irrésolutions seront fixées. Car, avoue que c’est toujours cette vie, la crainte pour elle ou pour son aise, qui trouble tes jours rapides, qui couleraient dans la paix, si tu voyais au bout le sein de ton divin Père pour te recevoir !

Il faut quitter cela et se coucher : mais j’ai rêvé avec grand plaisir…

— J’ai entrevu un progrès dans mon étude de chevaux.

Mardi, 22 octobre. — J’ai passé la soirée chez Félix, où j’ai dîné. J’éprouve de la gêne avec mon neveu, surtout quand je me trouve avec deux autres amis.

— En accompagnant Pierret chez lui pour son