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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

mal au genou, je me suis reposé un moment ; je voyais sa bonne de profil presque perdu : il est d’une pureté, d’une beauté charmantes. Qu’un nez droit de cette façon est contrastant avec un nez retroussé de la manière de sa femme ! Il fut un temps où au nombre de mes faiblesses était d’estimer comme dispartagés de la nature les nez retroussés : le nez droit était une compensation à beaucoup de désavantages. Il est de fait qu’ils sont fort laids ; c’est un instinct.

— Maintenant mon exiguïté corporelle me chagrine, comme toujours. Je ne vois pas sans un sentiment d’envie la beauté de mon neveu…[1]. Je suis ordinairement souffrant ; je ne peux pas parler longtemps.

— J’ai admiré de nouveau ce soir le petit portrait de Félix, de Riesener : il me fait envie. Je ne voudrais pourtant pas changer ce que je peux faire pour cela, mais je voudrais avoir cette simplicité. Il me semble si difficile, sans un travail tendu, de rendre ces yeux, cet intervalle entre la paupière supérieure et ce qui la sépare du sourcil !

— Mardi dernier, c’était le 15, une petite femme,

  1. Son neveu, Charles de Verninac, fils unique de sa sœur Henriette, fut envoyé comme consul en Amérique et mourut en cinquantaine à New-York, en 1834, des suites de la fièvre jaune qu’il avait contractée à Vera-Cruz, à son retour de Valparaiso.
    Charles de Verninac ressemblait à sa mère, qui était très belle et d’une grande distinction. Eugène Delacroix, au contraire, était d’une constitution délicate, et cet état de santé qui a commencé par de longues fièvres, en 1820, a beaucoup influé sur l’ensemble de ses idées pendant le cours de sa vie.