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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

sur une montée à la normande. Je me suis établi dans un champ qui venait d’être moissonné, pour faire une vue du château et de toute cette campagne, non pas que la vue fût intéressante, mais pour conserver un souvenir de ce délicieux moment. L’odeur des champs, du blé coupé, le chant des oiseaux, la pureté de l’air, m’ont mis dans un de ces états qui ne peuvent rappeler autre chose que les jeunes années où l’âme s’ouvre si facilement à ces impressions si charmantes que je crois, à l’heure qu’il est, me persuader que je suis heureux du souvenir seul de mon bonheur passé en semblables circonstances.

En redescendant, fait un autre croquis de grands arbres autour d’une ferme, et du chemin, à l’endroit où je m’étais arrêté avec Chenavard.

(Je crois que c’est ce jour-ci que j’ai passé longuement la soirée avec Chenavard. — Michel-Ange, etc. Il m’a parlé de ses relations avec certain vieux conventionnel : Barrère lui écrivant de ne pas le revoir, etc.)

31 août. — J’ai voulu renouveler mes sensations d’hier, mais en tournant d’un autre côté ; je voulais voir absolument ce que c’était que cette campagne que j’ai en face de mes fenêtres, au delà du Pollet. Je suis monté bravement par la grande route qui mène à Eu, mais le soleil m’a forcé à capituler ; j’ai pris à gauche ; j’ai vu le cimetière et suis redescendu presque grillé.

Le soir, conversation sans fin avec Chenavard sur