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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

petit bateau qu’on voyait au loin ; les hommes amenés à terre sur les épaules de ceux qui avaient mis leurs jambes à l’eau et qui apportaient aussi les paniers remplis de poisson à des femmes. Le canot tiré sur le sable et repoussé ensuite par deux ou trois petits mousses ; les rames en l’air ; le soleil du matin sur tout cela.

Chenavard venu vers onze heures à la maison. Il me dit que les Pensées de Pascal sont faites péniblement et couvertes de ratures.

Acheté le matin le vase russe, qui fuyait. J’ai été le changer vers quatre heures, et me promener. La chaleur m’a forcé de rentrer.

Le soir, parti tard ; nous n’avions dîné qu’à six heures, à cause d’un dérangement dans le fameux fourneau. Pris par la grande rue, vu avec plaisir les boutiques comme je ne les regarde pas à Paris. Tout m’amusait.

Dans le quartier de Saint-Remy, voyant la porte ouverte, je suis entré et ai joui du spectacle le plus grandiose, celui de l’église sombre et élevée, éclairée par une demi-douzaine de chandelles fumeuses placées çà et là. Je demande aux adversaires du vague de me produire une sensation qu’on puisse comparer à celle-là avec de la précision et des lignes bien définies. Si on classe les sentiments divers par ordre de noblesse, comme le fait Chenavard, on pourra à son gré se décider pour un dessin d’architecture ou pour un dessin de Rembrandt.