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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

distraction ne sont pas de la nature que je voudrais. Pour un solitaire qui veut rester tel, il s’y mêle encore un élément dangereux. La jeunesse peut se partager entre toutes les émotions : le trésor se resserre avec l’âge ; la muse est alors une maîtresse exigeante ; elle vous abandonne à la moindre infidélité.

8 novembre. — Fatigué de mon voyage et de mes petites émotions d’hier. Souffrant toute la journée : mauvaise disposition de corps et d’esprit. Agitation ou torpeur, sont-ce là les conditions inévitables ? Non, si je me rappelle mille moments de ma vie depuis quelques années que je me suis tiré du tourbillon. Dans maintes occasions j’ai savouré avec bonheur le sentiment de liberté et de possession de moi-même, qui doit être le seul bien où je doive aspirer.

9 novembre. — J’ai prolongé mon séjour un peu plus que je ne voulais auprès du cousin, dont l’amabilité ne s’est pas ralentie. J’avais aussi dans cet agréable lieu une aimable société qui n’a pas laissé de place à l’ennui ; mais j’éprouve qu’une si agréable oisiveté est dangereuse pour un homme qui veut se retirer du monde. Quand il faut retourner au travail et à la tranquillité, on ne se trouve plus le même, on ne rentre plus avec la même facilité dans l’ornière de tous les jours.

17 novembre. — Il faut considérer la terre de Sienne