Aller au contenu

Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

effet sur l’esprit : la suite nécessaire des événements et leurs conséquences forment un enchaînement naturel que l’esprit suit sans peine. Mais dans un ouvrage didactique il ne saurait en être de même. Le mérite d’un tel ouvrage étant dans son utilité, c’est à le comprendre dans toutes ses parties et à en extraire le sens que s’applique son lecteur. Plus il déduira facilement la doctrine du livre, plus il aura retiré de fruit de sa lecture.

Or est-il un moyen plus simple, plus ennemi de toute rhétorique que cette division de la matière qu’offre tout naturellement un dictionnaire ?

Ce dictionnaire traitera la partie philosophique plus que la partie technique. Cela peut sembler singulier chez un peintre qui écrit sur les arts : beaucoup de demi-savants ont traité de la philosophie de l’art. Il semble que leur profonde ignorance de la partie technique leur ait paru un titre, dans leur persuasion que la préoccupation de cette partie vitale de tout art était chez l’artiste de profession un obstacle à des spéculations esthétiques. Il semble presque qu’ils se soient figuré qu’une profonde ignorance de la partie technique fût un motif de plus pour s'élever à des considérations purement métaphysiques ; en un mot, que la préoccupation du métier dût rendre les artistes de profession peu propres à s'élever jusqu’aux sommets interdits aux profanes de l’esthétique et des spéculations pures. Quel est l’art dans lequel l’exécution ne suive si intimement l’invention ? Dans la peinture,