Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

à peu près de même du bras gauche qui tient un bâton ; je le répète : le sentiment individuel, le charme particulier au talent le plus rare, forment l’attrait de ce tableau. Rien de semblable dans des petits plâtres qui se trouvaient à côté chez le possesseur du tableau, et qui sont moulés probablement sur des bronzes antiques. Il s’y trouve des parties négligées ou plutôt moins achevées que les autres ; mais le sentiment, qui anime le tout, ne va pas sans une connaissance complète de l’art. Raphaël est boiteux et gracieux.

L’antique est plein de la grâce sans afféterie de la nature ; rien ne choque ; on ne regrette rien ; il ne manque rien, et il n’y a rien de trop. Il n’y a aucun exemple chez les modernes d’un art pareil.

24 février. — Chez Raphaël nous voyons un art qui se débat dans ses langes : les parties sublimes font passer sur les parties ignorantes, sur les naïvetés enfantines qui ne sont que des promesses d’un art plus complet.

Dans Rubens il y a une exubérance, une connaissance des moyens de l’art et surtout une facilité à les appliquer, qui entraîne la main savante de l’artiste dans des effets outrés, dans des moyens de convention employés pour frapper davantage.

Dans Puget[1], des parties merveilleuses qui

  1. Dans son étude sur le grand sculpteur, parue au Plutarque français, Delacroix écrit en manière de conclusion : « Le nom de Puget est l’un des plus grands noms que présente l’histoire des arts. Il est l’honneur de son pays, et, par une bizarrerie remarquable, l’allure de