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Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/352

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

les quitter. Il y a à écrire vingt volumes sur l’effet particulier de ces ouvrages. C’est le charme du je ne sais quoi, une saveur incroyable, au milieu de négligences, mais celles-ci dues à ce que les ouvrages ne sont que des esquisses.

Plombières, 11 juillet. — Levé à quatre heures pour partir à cinq heures. Hier soir, je me croyais au moment de faire une maladie à Nancy. Ce matin, je me trouve remis, grâce à ma tempérance.

Je dors une partie du voyage après avoir déjeuné d’une moitié de poulet. Trouvé, d’Épinal jusqu'à Plombières, un sieur Algis, je crois, qui a été assez bon garçon et qui m’a fermé les fenêtres quand j’en avais besoin. Il est fort comme un Turc, et cependant il lutte comme je l’ai fait toute ma vie contre le déjeuner. Il est grand fumeur et avoue néanmoins tous les inconvénients de son habitude. Il dit comme moi qu’il est impossible de s’arrêter à un cigare : un par hasard, dit-il, fait plutôt du bien ; mais c’est fumer beaucoup et presque constamment que veut le fumeur de profession. Il prétend que, toutes les fois qu’il lui est arrivé de suspendre ce plaisir pendant quelques jours, il se sent un autre homme pour le travail, pour l’activité de l’esprit, celle même de la passion pour les femmes. Sitôt l’habitude reprise, apathie, indifférence complète : elle suffit, mais sans satisfaire, à ce qu’il paraît.

Arrivés à Plombières à midi. Toute la population