Aller au contenu

Page:Delacroix - Journal, t. 3, éd. Flat et Piot, 3e éd.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

jeune personne qu’il allait épouser aussi dans huit jours ; je n’ai côtoyé ainsi, au milieu de mes souffrances, que des gens heureux ou sur le point de l'être. Il m’a fait entendre, en relevant à tout moment sa petite moustache blonde, que sa situation ne lui permettait pas d’aspirer à ce parti, mais que ses avantages extérieurs lui avaient valu cette aubaine, dont il rendait grâces au dieu Cupidon. Mon homme, plus amoureux de lui-même que de sa future, fleur de provincial et de Périgourdin, me quitta sur la route, non sans m’avoir fait admirer de loin la propriété, la maison la plus belle du pays, disait-il, enfin toutes les solides perfections que l’amour jetait à ses pieds, sans compter celle de la jeune infante ; il a oublié de me dire si cette dernière était douée de grâces et d’attraits ; mais ce n'était pas là la partie intéressante pour lui.

Je traverse, jusqu'à Périgueux, le pays le plus riche et le plus riant, mais toujours sous le poids de cette chaleur ou de ce vent cuisant.

J’arrive à Périgueux à la chute complète du jour ; une jeune femme toute pimpante m’avait été donnée pour compagne de prison dans la boîte incommode où je me trouvais, une poste avant la ville ; je traverse cette jolie ville au milieu des transparents et des illuminations, à propos des bonnes nouvelles de Sébastopol.

Je m’informe des places ; je suis forcé de changer mes combinaisons. J’irai à Montmoreau prendre le