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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

parties qui sont placées entre ces termes ; que le bord et le milieu sont des termes. (τὸ δέ ἔσχατον καὶ τὸ μέσον, πέρας). Par ces considérations, ils ne croient pas que la Terre soit au centre de la sphère. C’est au feu que cette place appartient à plus juste titre. À ces raisonnemens les Pythagoriciens ajoutent : qu’il faut placer d’abord et mettre en sûreté ce qu’il y a de plus essentiel dans l’univers ; que la partie la plus importante est le milieu, qu’on appelle pour cette raison le Fort de Jupiter (Διὸς φυλακὴν). Ce fort est la place qu’occupe le feu.

Telles sont les opinions sur le lieu de la Terre ; il en est de même de son immobilité ou de son mouvement. Les avis sont également partagés. Ceux qui ne la croient pas au milieu, disent qu’elle tourne autour de ce milieu, ce qui est également vrai de l’antichthone, ou de la terre opposée. D’autres pensent qu’il est possible qu’un plus grand nombre de corps circule ainsi autour du milieu. Ils sont invisibles pour nous, parce que la Terre nous les cache. C’est ce qui fait que les éclipses de Lune sont plus fréquentes que les éclipses de Soleil, car chacun de ces corps peut, tout aussi bien que la Terre, couvrir la Lune de son ombre ; et puisque la Terre n’est pas au centre, qu’elle en est éloignée d’un hémisphère, rien n’empêche que les phénomènes ne soient pour nous exactement ce qu’ils seraient si nous occupions le centre… Quelques-uns disent que quand même elle serait au centre, rien n’empêcherait encore qu’elle n’y tournât autour d’un pôle fixe, comme il est écrit dans le Timée. »

Nous remarquerons que dans ce passage, dans cet exposé des rêveries de différentes écoles, Pythagore lui-même n’est pas une seule fois nommé. Au contraire, nous voyons dans Plutarque (Opinions des philosophes) que Pythagore faisait marcher le Soleil dans l’écliptique, et c’est la raison qu’il donnait pour expliquer comment jamais le Soleil ne passait le tropique. Voilà pourquoi, en parlant des auteurs qui attribuaient à Pythagore la première idée du mouvement de la Terre, nous avions dit que c’était un point assez obscur. Les raisons des Pythagoriciens n’ont rien de géométrique, elles n’étaient point fondées sur les phénomènes, ainsi nous les avions passées sous silence en analysant Aristote et Simplicius.

La question n’est pas de savoir si les anciens n’avaient pas eu une idée vague que le Soleil pouvait être immobile au centre du monde, et si la Terre, par ses mouvemens, ne pouvait pas produire les phénomènes que l’on observe. Nous en avions assez dit pour ne laisser aucun doute