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Comme tout le monde

rière la porte d’entrée, un si beau domestique, prêt à ouvrir au moindre coup de sonnette.

Isabelle put donc, le lendemain au déjeuner et tout le reste de la journée, recommencer, dans les mêmes termes, à détailler par le menu sa visite de la veille. Par ailleurs, elle n’avait pas dormi de la nuit. Les yeux épanouis dans le clair-obscur où s’agitait la veilleuse, le cœur battant, immobile aux côtés de Léon qui ronflait, elle avait laissé les heures nocturnes passer sur elle sans s’apercevoir de leur noire et lente monotonie.

Cet état de surexcitation et d’insomnie dura trois jours et trois nuits. La fièvre brûla les mains d’Isabelle, mit un bouton au coin de sa lèvre rouge, cerna ses yeux unis et frais.

Au bout de ce temps, elle comprit qu’elle devait refaire, pour ainsi dire, provision de bonheur, et qu’il était absolument nécessaire qu’elle revît son marquis. Alors, il fallut bien qu’elle se souvînt de ce qu’elle avait voulu jusqu’à présent oublier. Elle songea donc au petit chemin que personne ne connaissait dans la région et dont le gentilhomme lui avait si longuement parlé.

— Peut-être vous y rencontrerai-je un jour ?… avait-il murmuré.

Isabelle se mettait à trembler en pensant qu’il avait pu dire cela sans y attacher aucune impor-


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